mardi 19 juillet 2016

VELO

Mais que c'est beau!

La sortie du parc emprunte une petite rue en pente du centre village, déserte bien entendu. Pas un bruit pour venir troubler celui de ma respiration et du passage de vitesses.
La route principale est rejointe, on peut maintenant pédaler.
Les pieds bien dans les pompes, serrage des velcros, ajustage du casque, visière baissée....et arrêt du temps de la T1 sur la montre pour lancer le reste du déroulé automatique mode "multisport" de la Garmin.
Position aéro sur ce bord de lac, ça roule!
La route qui nous attend sur les premiers 10 Km est juste fabuleuse. C'est l'ancienne route qui n'est maintenant qu'ouverte aux vélos et joggeurs. Elle suit la découpe de la berge, pas très large, avec des enchaînements de courbes. On domine l'eau du lac de quelques mètres, rien ne bouge, tout semble figé tout autour, encore en sommeil.....il est 5h20 du matin.
Je suis surpris par la lueur que j'imaginais moins intense à cette heure, en fait on commence à vraiment bien y voir. je m'étais imaginé devoir louvoyer à la lumière de ma lampette led peu puissante, rien de tel, c'est parfait!
Au détour d'un virage, un photographe, clic clic clic clic, cooool, on va peut être avoir la chance de voir ces clichés. Ben ouai, en fait l'organisation va nous inonder de photos géniales après la course!


Après une dizaine de minutes comme ça, je commence à voir une loupiote rouge en point de mire, c'est surement mon Suédois. Il semblerait que l'écart ne se creuse pas mais que je me rapproche plutôt. Bien, j'appuie mais pas trop, on sait combien la journée sera longue. Les premiers 10 Km seront quand même pédalés à 37km/h de moyenne, c'est plat, sans vent, faut en profiter.

Je finis par rattraper le gars devant au Km 14, on discute une minute sur la beauté du paysage et la chance qu'on avait d'être là. Je le dépasse ensuite,
on se dit "see you later" sachant que la journée ne fait que commencer.
Un peu plus loin, encore une lampe arrière, là pareil, je me rapproche et fini par rencontrer le dossard 24, un Norvégien, Charley PrØdel là pareil, on s'émerveille sur la journée qui s'annonce....je passe devant.
Ca roule comme ça, tranquillement, seul, mes pensées sont concentrées sur le dosage de mon effort. Les routes sont désertes, pas un chat. Le goudron est parfaitement lisse, c'est très roulant.

Un détail important, le marquage du parcours n'est fait qu'uniquement par des pancartes d'une cinquantaine de cm accrochés en sorties de ronds points. Il faut rester vigilant et le stress de ne pas être sur le parcours est bien là. Quelques kilomètres sont effectués avec de gros doutes quand de temps à autre une pancarte apparaît pour regagner en tranquillité..... on est pas habitués à ça mais finalement, ça fait aussi le charme de la course, loin des sur signalisations, loin des flonflons des courses hyper courues. Le parcours se déroule à la manière d'un jeu de piste, ça maintient éveillé.

Le premier ravitaillement pointe son nez, j'ai prévu de faire le plein pour palier au petit dèj. très limité. Je marque un arrêt, prends plusieurs mini  sandwiches salés (un luxe), une banane, une barre....ça repart. La banane en premier, le reste pour plus tard.

Les kilomètres déroulent comme ça tranquillement. Cette partie du parcours qui reste très urbaine nous fait traverser des villages et des zones industrielles de vallée de montagne. la région est connue pour ses exploitations sidérurgiques. pour autant, ça reste pas moche, tout ici est propre et bien rangé.
La position sur le vélo est toujours en mode aéro, sur les prolongateurs, tête baissée. Arrivent les premières petites bosses et il faut jouer du dérailleur, sans s'affoler, sans chercher à garder la vitesse.
Dans un des villages, je rattrape encore un coureur, à tiens, non, une coureuse, dossard 101.
Une moto l'escorte, c'est la première féminine, on échange quelques mots, je semble la sortir de sa bulle, elle a l'air surprise de se faire rattraper....je double mais sans marquer d'accélération tout en gardant les distances reglementaires, du coup, je profite de l'escorte de la moto qui ouvre le bal et prend de l'avance à chaque changement de direction pour qu'on ait plus à réfléchir à la visée de pancartes. C'est plutôt confort et on se prend vite au jeu....l'impression de vivre les images qu'on voit sur les reportages de compte rendus de courses, énorme. Je ne sais pas vraiment où je suis situé dans le classement, en fait, c'est pas important. Je suis là pour finir, aucun objectif de performance, pas de classement.
Je finis pourtant par m'éloigner de la première nana, plus d'escorte!

Encore une vingtaine de km et on va pouvoir attaquer les première pentes, à partir de Edolo. Un vent de face bien consistant s'est installé, hum, ça c'était pas dans mes plans....on va faire avec.
A la sortie d'un village, stupeur, les lumières rouges d'un passage à niveau sont allumées, j'appui en essayant de passer avant que les barrières ne se ferment........raté! Les barrières se ferment devant mon nez! Inutile d'essayer de passer, elles sont faites de telle manière que même un chat n'y parviendrait pas. A droite, pas de train, pas plus qu'à gauche.....le temps paraît incroyablement long, et effectivement, ça dure. Tellement que les trois coureurs doublés arrivent les un après les autres, on en rigole. La barrière finit par se rouvrir, ils me prient de passer devant, l'ambiance est au beau fixe et très amicale et détendue, vraiment chouette!

Bon, du coup j'ai retrouvé mon escorte, la nana me double dans une montée, elle attaque vraiment, je me demande ce qu'elle fait et laisse partir.

Edolo, kilomètre 65, second ravitaillement, je prends un bidon de flotte, une barre, deuxième banane....le ravito d'après n'est qu'au col de Mortirolo.....avec la première grosse difficulté. 1200m de D+ sur 30 km. Je commence à dérouler le roadbook installé sur les prolongateurs, ça fait plaisir. Je rattrape la première fille au détour d'un virage, juste avant un tunnel, on sort de l'ombre de la vallée en s'élevant, pour passer au soleil. Ca fait du bien. Les paysages commencent à être plus alpins.
On se rapproche de la bifurcation du Km 79 qui marque l'attaque de Mortirolo. Là, ça grimpe sévère. On passe de 6% de pente à  des passages courts à 10/12% avec les premiers lacets. Après le deuxième virage, je regarde en contre bas et aperçoit mon suédois qui semble revenir plein fer. Bon, on ne va pas s'affoler, il revient effectivement très vite mais je choisis de ne pas accélérer. Il me double en me disant que j'allais sûrement le refaire plus tard, ce que je n'imagine pas quand je vois la différence de vitesse avec laquelle il me dépasse. La première nana, elle, n'est plus en vue....il semblerait qu'elle ait lâché un peu de lest.
Je garde Patrik en point de mire, il semblerait qu'il ait été peut être un peu rapide à mon dépassement, je suis effectivement en train de le refaire. Bon, du coup, j'arrive à sa hauteur, on discute et on se retrouve du coup à  faire le col ensemble. Plutôt agréable, le temps passe à une allure vertigineuse, et les pentes sont assez régulières, et ça passe bien.



On se rapproche du Km 85, les lacets les plus raides nous font couiner, un passage très court mais très raide est noté à 20%. Patrik me raconte qu'il est sur un vélo qui n'est pas le sien et que son développement est 50/34 devant et .........13/21 (!) derrière. Mince, je comprends mieux pourquoi il fallait qu'il garde une cadence et une vitesse de montée, j'ai un
28 derrière et je suis content de ne pas avoir moins. Encore une dizaine de bornes pour taper le passage du premier col. Le parcours devient plus plan, alternant bosses et petites descentes, c'est ombragé et super agréable. On double un cycliste local qui reste dans la roue.

Arrive le passage du col proprement dit et le ravitaillement j'avais choisi de ne pas laisser de sac avec effets perso. vu la température agréable, il doit faire 10°C, super agréable, j'ai encore une banane et des barres.....je passe sans m'arrêter. Patrik oblique à droite, un autre coureur est aussi arrêté occupé à se ravitailler.....la descente attaque, le cycliste qui n'est pas dans la course passe devant, il va me servir de poisson pilote dans une descente très raide que je ne connais absolument pas, un vrai plus au niveau sécurité, ça me permet d'anticiper les freinages et de laisser filer quand il faut. Le revêtement est toujours aussi lisse, régalade!
J'arrive vite au bas de la pente et rejoins la route principale rejoignant Ponte di Legno, kilomètre 120. Vu la taille des deux axes se rencontrant, une batterie de signaleurs / police est là pour sécuriser le croisement, le troisième endroit de la course avec signaleurs. Impeccable. J'ai même 15 minutes d'avances sur le planning, j'avais misé sur 10h15 à cet endroit, il est 10h00 du matin!

Un faut plat montant de 12 kilomètres me sépare de Ponte, 10 kilomètres de Temu, où ont prévu de m'attendre la "Support team". Harald, support officiel, Bärbel, Ursula et Max, ils ont suivi le tracaur GPS depuis l'ordinateur au camping et connaissent mon classement et mon heure approximative de passage.



Il arrive!

Je les repère sur le coté gauche de la course, je vais bien, "ouai Nicooooooooooo" ils me crient aussi un truc mais je ne comprends pas......sssssss!!!???
Késako?

Je sais maintenant que vient Ponte di Legno et qu'on attaque le dernier gros morceau de la partie vélo,
- Il passo di Gavia - ! Le roadbook tourne encore.....on arrive vers la fin du parcours. Le village de Ponte di Legno pointe son nez, je me réjouis à l'idée de traverser la place centrale. Au moment de rentrer dans le centre village pour le traverser, une moto prend le pas devant, sifflet en bouche, pour prendre l'escorte de la partie de voirie piétonnière, ça ouvre la voie comme l'étrave d'un ferry, j'ai l'impression d'être un élite, c'est très grisant. Arrivé à la place centrale, celle qui accueille T2, il y a du monde, les gens m'encouragent, applaudissent, un ravito. se propose à moi, pied à terre, j'avale un grand verre d'eau, prend une banane et une barre, répond à la question du speaker qui harangue les spectateurs "va bene, si va bene, multo bene, si multo bene" et là j'entend qu'on m'annonce sixième (!???) au classement......HEIN? J'ai du mal comprendre, plutôt seizième...ce qui serait déjà pas mal.....je repars avec ce point d'interrogation, je vais essayer de voir les mecs que je croise sur l'aller / retour dans Gavia et les compter.
Dès la sortie du village, la pente se dresse, c'est parti pour 17 km de montée sans relâche, en passant de 1200m d'altitude à 2652m, on enquille donc un peu plus de 1400m dans la foulée. Je l'avais comparé au Ventoux.....ben effectivement, on est pas déçu. C'est raide, vraiment raide, c'est long, vraiment long! La pente moyenne est de  7,88%, le Ventoux à 7,15%......
Dans les premier kilomètre, un gars me double, il va vite, il est accompagné d'un véhicule qui ira se garer plus loin pour lui filer un bidon, ils m'en propose aussi (!), je décline l'offre, c'est vraiment hyper sympa de sa part. Le gars en question est vraiment rapide, je me demande comment il fait, j'ai tout à gauche et n'avance pas, et puis il faut en garder sous le pied.....je laisse filer en espérant que toute la cavalerie ne débarque pas de la même manière, ce serait un signe très négatif de mon état à ce moment de la course.
On est encore en sous bois, la température idéale, l'altitude se fait sentir. la route devient d'un coup plus étroite et un coup de cul se présente.....la petite vidéo de présentation qu'on avait pu voir sur la page FB de l'organisation me revient à l'esprit.....reste encore environ 9 kilomètres, le passage est vraiment très raide!
Passé ce crux, ça se calme à nouveau mais ça reste intense, il n'est jamais possible de se poser.....je commence à me poser des questions. L'impression que le col n'arrivera jamais se fait sentir. Le panorama s'élargit soudain, je sors de la forêt et découvre un paysage de montagne vraiment chouette.

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Enfin j'aperçois les derniers virages, ils ont l'air loin, comme si il reculaient. Ca tire, je suis essoufflé.....je ralentis..... et m'accroche au mur de cailloux sur ma droite pour reprendre mon souffle, peut être une minute. Allé, on repart, les derniers virages arrivent enfin mais je dois marquer une nouvelle pause, là, je mets pied à terre, les jambes en X, les bras sur le prolongateur......panne de mental, un scooter passe avec un cameraman à l'arrière, il filme la scène, je secoues la tête en me marrant, allé, on repart..........un dernier virage, le col est en vue, c'est gagné!
La haut, le vent souffle un peu et il fait frais. J'avais choisi de ne pas déposer de sac à ce col non plus. Les bénévoles se sont affolés pour rien en criant "Numéro nove" dès qu'ils m'ont eu en point de mire.
Je choisis de bien m'alimenter pour la course à pied qui va suivre. Il est 12h35.....j'ai 20 minutes de "retard" sur mon planning.....j'ai sous estimé Gavia, c'est vraiment très dur! j'ai des fourmies dans les pieds...dire comme il faut appuyer pour monter là haut!
Un grand verre de coca, attention, pas trop de sucres rapides, on va pas se taper une hypo. réactionnelle, puis un grand verre d'eau, je fais le plein du bidon, encore une banane, j'enfile la veste coupe vent que j'ai gardé dans la poche arrière de la veste, la pause durera presque 6 minutes....c'est le moment de repartir!

Juste après avoir rechaussé, je croise Patrik qui arrive, on se tape dans la main, "see you later"!

La monté m'aura pris 1h50....descente 25 minutes. C'est raide, très raide et il faut garder les mains sur les freins en permanence, la tête relevée, c'est dur pour les cervicales et j'ai même des fourmis dans les pouces à force de freiner (!). J'accuse quelques petites frayeurs au freinage avec la roue arrière qui dérape....on va pas se la mettre, je calme le jeu. J'ai un mal bien présent qui est en train de s'installer dans le haut du dos, coté gauche, je dois me redresser pour essayer de m'étirer, difficile dans ces pentes.

Peu avant Ponte di Legno, je profite d'une ligne droite pas trop pentue pour retirer la veste coupe vent et la rouler dans la poche dorsale. Ca sent l'écurie! Le panneau d'entrée de village est franchi, comme
lors de la première traversée, une escorte moto prend le devant, ça siffle, je commence à voir du monde, j'arrive à T2, Ursula est sur la droite avec Max qui tend un drapeau Français, c'est un grand moment d'émotion, j'ai la chair de poule, je sors les pieds des chaussures dans cette rue en pente, un, deux, les pieds sont sur les chaussures, la ligne d'entrée dans le parc de transition est là, devant, la jambe droite par dessus le cadre, prêt à sauter......top, le pied gauche touche un beau tapis rouge......bienvenue à T2!

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